Aina Bauza Interview (desktop)
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Relever le défi de la Transat Café l’Or – Entretien avec Aina Bauza

À peine sortie de son record du monde en solitaire en monocoque lors de la traversée de l’Atlantique en 2024, l’ambassadrice Gill, Aina Bauza, s’attaque à un nouveau défi : la mythique Transat Café l’Or (anciennement Transat Jacques Vabre).

Aina naviguera à bord du Class40 Grand Rhino aux côtés de la co-skippeuse française Axelle Pillain. Le duo a reçu la prestigieuse bourse « Cap pour Elles », destinée à soutenir et valoriser les skippeuses.

Le 26 octobre, cette course transatlantique en double entre Le Havre, en France, et l’île de la Martinique dans les Caraïbes s’annonce comme l’une des plus exigeantes du calendrier Class40.

Contrairement à la plupart des autres projets, elles construisent leur campagne de A à Z, en gérant tout elles-mêmes – de la recherche de sponsors à la préparation du bateau et à l’entraînement intensif. Nous avons rencontré Aina pour en savoir plus sur ses préparatifs.

1. Qu’est-ce qui vous a attirée vers ce défi, et qu’est-ce qui vous motive malgré l’emploi du temps intense ?

Ce qui m’a motivée dès le départ, c’était le désir de progresser vers des bateaux plus grands et plus ambitieux. Après avoir établi le record du monde, je n’ai pas arrêté une seconde, je pensais déjà au défi suivant, avec un bateau plus grand. C’est ce qui nous a menées au projet Class40.

Cela nous a demandé énormément de temps et d’efforts rien que pour pouvoir naviguer en Class40, mais nous y sommes arrivées. Nous avons commencé l’entraînement, et maintenant le plus important est de continuer à construire le projet. Il nous manque encore une partie du financement, nous n’avons pas encore notre sponsor principal, mais nous avons posé les bases. Nous sommes sur l’eau, nous travaillons dur et nous sommes prêtes à montrer ce dont nous sommes capables.

Ce qui me motive, c’est de voir le chemin déjà parcouru, et tout ce qui reste à accomplir. Et j’ai la chance de partager cette aventure avec Axelle. Nous nous soutenons dans les bons comme dans les mauvais moments, et nous croyons toutes les deux en notre projet. C’est ce qui donne du sens à cet emploi du temps intense.

 

 

2. Vous gérez tout vous-mêmes pour l’instant, sans équipe technique. En quoi cette approche pratique a-t-elle façonné votre compréhension du bateau et de la logistique d’une transat ?

Pour l’instant, c’est juste nous deux, parfois quelques amis qui nous aident. Nous nous occupons de tout : maintenance, préparation, logistique pour la transat. C’est intense, mais c’est aussi une excellente occasion de connaître le bateau dans les moindres détails. Cette connaissance est cruciale en mer quand il faut réparer rapidement et de manière autonome.

Bien sûr, notre objectif est de réunir des fonds pour pouvoir intégrer une vraie équipe technique. Cela nous permettrait de nous concentrer davantage sur la navigation, la course, et de consacrer du temps à la relation avec les sponsors, qui est tout aussi importante pour la viabilité du projet.

Mais pour l’instant, on apprend énormément, et c’est valorisant de se sentir aussi connectées à chaque aspect du bateau et de la campagne.

 

3. Quel a été le plus grand défi inattendu dans la préparation de la Transat Café L’Or, et comment l’avez-vous surmonté ?

Le plus grand défi, et aussi le plus inattendu, a été de construire un projet capable d’arriver sur la ligne de départ. J’avais commencé un autre projet qui avait du financement, mais je me suis rendu compte qu’il n’était pas aligné avec mes valeurs ni ma vision. J’ai donc pris la décision difficile de tout recommencer.

La deuxième fois, j’ai lancé une nouvelle campagne, mais ma co-skippeuse a dû quitter le projet pour des raisons personnelles. Encore un gros revers. Puis j’ai rencontré Axelle, et j’ai eu beaucoup de chance. C’est une navigatrice extrêmement talentueuse avec un solide bagage technique. Je suis convaincue que nous pouvons accomplir de grandes choses ensemble.

Chacun de ces moments aurait pu marquer la fin de l’aventure, mais ce ne fut pas le cas. Ils m’ont rendue plus résiliente et plus sûre que jamais de la raison pour laquelle je fais tout cela.

 

4. Vous avez parlé de la répartition des tâches avec Axelle. Comment vous organisez-vous, et quels sont vos atouts en tant qu’équipe pour gérer un tel projet ?

Nous répartissons les responsabilités naturellement, selon nos compétences. Axelle a un excellent niveau technique, donc elle gère tout ce qui est préparation du bateau, gréement, optimisation des systèmes. De mon côté, je m’occupe davantage de la gestion de projet, des sponsors, de la logistique, de la communication – tout ce qui se passe hors du bateau.

Mais une fois en mer, nous sommes totalement égales. Nous avons toutes les deux de solides instincts de régate, et une confiance totale l’une envers l’autre. On se pousse mutuellement, ce qui crée un bel équilibre entre performance et précision.

Notre plus grande force, c’est le respect mutuel. Nous savons chacune à quel point l’autre s’investit dans ce projet, et on ne le prend jamais pour acquis. Cette confiance est essentielle pour relever un défi aussi complexe qu’une transatlantique.

 

 

5. La Transat Café L’Or est votre grand objectif. En dehors de l’entraînement physique et de la préparation du bateau, quels sont vos enjeux stratégiques clés pour cette course ?

L’un des éléments stratégiques majeurs, c’est le travail d’équipe. C’est une transat en double, donc notre capacité à communiquer, à décider vite, à bien gérer l’énergie et le repos sera déterminante. On travaille constamment cet équilibre, savoir quand pousser et quand récupérer.

Le routage météo est aussi une priorité. L’Atlantique est imprévisible, alors nous étudions les schémas météo historiques et nous nous entraînons avec plusieurs outils de routage pour anticiper différents scénarios.

Nous pensons aussi au long terme : comment gérer les risques, préserver le bateau et éviter les casses. Il faut trouver le juste équilibre entre performance et fiabilité. Notre objectif n’est pas seulement de traverser, mais d’être compétitives et d’apprendre un maximum pour la suite du projet.

 

6. Quelles leçons tirées de vos expériences passées seront les plus utiles pendant la Transat Café L’Or ?

L’une des plus grandes leçons, c’est que la préparation est la clé. Lors de ma traversée en solitaire pour le record du monde, j’ai compris à quel point la réussite dépend de ce qu’on fait avant de quitter le quai : vérifier chaque détail, connaître son bateau par cœur, être mentalement prête à l’imprévu.

J’ai aussi appris à rester calme sous pression. En mer, les problèmes arrivent, c’est inévitable. Ce qui compte, c’est la façon dont on réagit, la rapidité à s’adapter. Ces moments peuvent tout changer dans une course.

Et enfin, j’ai appris que l’état d’esprit est fondamental. Tenir malgré la fatigue, rester concentrée, trouver la motivation dans les moments difficiles – ce sont des qualités que j’emporte avec moi dans chaque nouveau projet, y compris cette Transat Café L’Or.

 

 

7. Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus, et qu’est-ce qui vous inquiète le plus à l’approche de la Transat Café L’Or ?

Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’inconnu. On peut tout préparer, s’entraîner dur, et malgré tout faire face à des imprévus – que ce soit technique, météo, ou simplement la réalité d’être en mer pendant autant de jours. Mais cela fait partie du défi, et j’essaie de l’accueillir plutôt que de le craindre. Avec Axelle à mes côtés et un bateau solide, je sais que nous affronterons tout ce qui se présentera.

La Sélection d'Aina